Par Mahiout MERHAB
Le mouvement associatif a-t-il besoin de rendre visible son action?
La question peut sembler puérile tant la réponse est évidente.
Oui, en théorie, la visibilité est un souci majeur de toute association qui se respecte. Mais en théorie seulement. Car au vu des performances des acteurs associatifs en la matière, il est plus que permis d’en douter.
Si l’on prend, pour illustrer notre propos, la fréquentation du portail des associations algériennes Ranahna.dz, on se rend compte qu’il y a comme un hiatus entre les efforts fournis et le niveau de conscience supposé de la nécessité du travail de communication. On se rend même compte du contraire: pour les associations, la communication est la cinquième charrue. Mieux, elles se comportent comme si la communication ne devait se faire que dans un sens: venir sur le portail pour puiser l’information dont elles ont besoin mais sans l’alimenter en échange.
Les chiffres le montrent : le nombre de consultations du portail ne cesse de croître. Il tourne autour de 200 consultations par jour.
Pourtant, il n’échappe à personne qu’un portail d’association est comme un réservoir à grains qui a besoin qu’on l’alimente de temps à autre. Si on ne fait qu’y puiser, il ne restera bientôt plus rien dedans.
En claire, pour pouvoir vivre et continuer à servir le mouvement associatif, les associations doivent impérativement se l’approprier en l’alimentant par toutes sortes d’informations qui touchent à ce qu’elles font et ce qu’elles entreprennent.
Au vu du niveau de communication franchement pas brillant des associations, beaucoup de questions se posent. Aux premières desquelles celles-là : pourquoi les associations ne communiquent pas ?
Il faut commencer par reconnaître qu’il extrêmement difficile de répondre à cette question en l’absence de données empiriques fiables.
Mais cela n’empêche pas d’évoquer quelques pistes de réponses qui, espérons-le, pourraient constituer une amorce pour un débat de fond entre acteurs associatifs autour de cette question.
On peut d’abord avancer l’idée selon laquelle nous appartenons à une société à tradition orale, que le réflexe de l’écrit n’est pas très répandu et à fortiori celui d’utiliser les nouvelles techniques de communication.
C’est en partie vrai, mais en partie seulement.
Nous ferons remarquer que les associations écrivent quantités de rapports. Elles savent noircir des tonnes de papiers quand « c’est nécessaire».
Quant à l’utilisation des NTIC, nous parlons bien d’acteurs associatifs qui consultent régulièrement Ranahna.dz qui n’est quand même pas un modèle d’outils de communication à l’ancienne.
Le problème ne réside donc pas tellement dans la tradition ou la technicité.
Peut-être se situe t-il au niveau de la prise de conscience de la nécessité d’entreprendre un effort de communication? Mais là aussi, il convient de nuancer: l’importance de la communication fait partie du B.A.BA. de la culture associative. Aucune association ne remet en cause cette importance.
Et pourtant, cette conscience ne se traduit généralement pas sur le terrain.
En fait, cette négligence du travail de visibilité nous renvoie à une problématique plus fondamentale: celle de la place que veut occuper le mouvement associatif dans la société et le rôle qu’il veut jouer dans la transformation de cette dernière.
Pour une association qui a un projet associatif clair et qui ambitionne de changer les choses, même à petite échelle, il est impossible de ne pas se rendre compte que la communication constitue sa première arme. En revanche, l’absence ou la négligence –ce qui revient au même- du souci de communication chez une association révèle l’absence de projet associatif et/ou du souci d’agir pour le changement. Et c’est tout le problème: la proportion d’associations qui ont la conscience d’agir pour changer les choses est vraiment minime, voir négligeable.
A sa décharge, reconnaissons que le mouvement associatif algérien n’a jamais bénéficié de conditions propices qui lui permettent d’atteindre un quelconque niveau de conscience.
Depuis son essor au début des années 90 à la faveur de l’ouverture « démocratique », son développement a constamment été gêné, parfois même contrarié.
Quelques mois à peine après la promulgation de la loi 90/03, et devant l’explosion du nombre d’associations qui ont sollicité leur agrément, le système s’est rendu compte de l’énormité de son erreur. Depuis, il n’a eu de cesse de la « rectifier ».
Petit à petit, on est passé d’un droit constitutionnel à s’organiser à une sorte d’aumône que l’administration accorde de manière discrétionnaire à qui bon lui semble. Au point où obtenir un agrément relève du parcours du combattant, au sens propre comme au figuré.
Un rouleau compresseur a été alors déployé pour étouffer un mouvement associatif naissant qui portait en lui d’énormes potentialités. La chape de plomb du terrorisme a fini par réduire le mouvement associatif à sa plus simple expression et condamner les associations à végéter en attendant des jours meilleurs.
Ce n’est qu’avec les années 2000, qui ont vu le relâchement de la contrainte sécuritaire que ce mouvement semble renaître de ses cendres.
Cette croissance contrariée et la coupure qui l’a suivie ont bien entendu laissé d’énormes séquelles. Dont la plus importante –et le plus grave- est cette quasi absence d’ambition de changement. Qui se manifeste de manières différentes chez les associations de première ou seconde génération.
Toutes contentes d’avoir survécu à la spirale terroriste, les associations de la première génération, créées aux débuts des années 90, se contentent d’exploiter leur notoriété pour capter des financements et monter des projets en total décalage avec la réalité. Ayant acquis en la matière une certaine technicité, elles sont en passe de devenir des organismes budgétivores.
Les associations de seconde génération, celles créées à la fin des années 90, se caractérisent, quand à elles, par une volonté farouche de faire « des choses » mais manquent cependant cruellement de savoir faire. Les jeunes qui les constituent en majorité sont le produit du désert culturel planifié des années 80-90.
Coincé entre ceux qui savent mais ne veulent rien faire et ceux qui veulent mais ne savent pas comment faire, le mouvement associatif cherche ses marques. Les trouvera t-il ?
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