L’association Amine, dont les locaux se trouvent dans l’enceinte même de l’hôpital de Bab-El-Oued, existe depuis 1997. Elle est venue répondre aux besoins d’une unité de loisirs éducatifs pour enfants malades qui a été créée suite à une initiative du ministère de la Jeunesse et des Sports et concrétisée par la direction de la jeunesse de la wilaya d’Alger.
En tant que sociologue et cadre du ministère de la Jeunesse et des sports, c’est madame Leila Boukabous qui a été choisie pour la création de cette unité. Elle est aussi la présidente de l’association Amine depuis sa création.
Ce qui a été encourageant et motivant dès le départ, nous dit Mme Boukabous, c’est que le chef du service pédiatrie, le professeur Laraba, était très favorable à cette idée. Il était content de trouver des gens qui prennent en charge les enfants après les soins, même si cette prise en charge est aussi considérée comme des soins.
Au départ, se rappelle Mme Boukabous, à la création de l’unité, l’équipe d’éducateurs pensait venir les après-midi pour animer un peu des séances de dessin ou autres. Mais une fois sur place, nous nous sommes rendus compte que cela ne suffisait pas et qu’il y avait énormément de choses à faire.
Seulement, tout ne se présentait pas sous le meilleur aspect. En l’absence de locaux appropriés, le travail se faisait dans des conditions difficiles. C’est la salle de réfectoire qui a accueilli l’unité. Et c’est à ce moment justement que l’idée est venue de créer une association qui viendrait «nourrir» cette unité.
Au départ, l’association devait s’appeler «Alouane» (couleurs), parce que l’idée est de ramener des couleurs et de la gaîté dans la vie de ces enfants hospitalisés. Et alors que les préparatifs allaient bon train, Amine, un des enfants hospitalisés, a succombé à sa maladie. C’était notre première confrontation avec la mort ici à l’hôpital, se souvient Leila Boukabous. Et c’est ainsi que l’association a pris le nom de cet enfant décédé. Une manière d’immortaliser Amine.
L’association née, il fallait passer à l’autre étape, réfléchir à des projets et chercher des financements pour les concrétiser.
Pour nous c’était une découverte, nous dit Mme Boukabous. Plus on avançait et plus nous constations que c’était tout un univers. Que ça ne se résumait pas au dessin et à la musique. Il y avait la rupture dans la scolarité des enfants hospitalisés à laquelle il fallait pallier par la création d’une école, on devait également songer à un espace pour les parents... etc. Et c’est là que l’association a été bénéfique pour nous car c’est par son biais que nous avons pu avoir les subventions et surtout les dons nécessaires.
Il y a eu donc l’école. Ensuite, la direction de l’hôpital a accepté que l’association occupe un terrain qui était un dépotoir à l’origine et qui, grâce aux dons, a pu être aménagé en un espace agréable où jouent les enfants et qui accueille les parents en visite. De même que des locaux ont été érigés pour abriter l’association.
Des salles de classe ont été aménagées et même une ludothèque pour les mamans qui sont obligées de rester longtemps à l’hôpital pour accompagner leurs enfants malades.
Cependant, chaque création nécessite un suivi. Ainsi, pour l’école, ce sont les éducatrices détachées du ministère de la Jeunesse et des Sports qui assuraient elles-mêmes les cours. Cela posait un problème dans le sens où ces éducatrices ne connaissaient pas le programme scolaire et manquaient de pédagogie d’une part, et de l’autre, elles n’arrivaient pas à imposer le sérieux nécessaire au suivi des cours puisque leurs méthodes de travail avec les enfants, en tant qu’éducatrices, diffèrent de celles d’un enseignant.
Il fallait donc des bénévoles, et des étudiants sont venus pendant trois ou quatre ans assurer le fonctionnement de l’école, chacun selon sa disponibilité.
Mais même cela posait problème, surtout pour les enfants qui devaient passer un long séjour à l’hôpital, un séjour qui peut aller jusqu’à deux ou trois ans.
Le hasard faisant parfois bien les choses, les ministères de l’Education et de la Santé ont signé une convention dans ce sens en 2000-2001. Et c’est ainsi que trois enseignants du cycle primaire ont été détachés à cette unité pour assurer les cours régulièrement. Il y a même eu des enfants qui ont passé l’examen de la sixième à l’hôpital !
Autre projet cher à l’association, CANAL AMINE. Ce n’est pas une chaîne de télévision. C’est juste un circuit interne avec une petite régie, rendu possible grâce à Sonatrach. Le soir, il est possible de diffuser dans les chambres. On peut programmer des films ou alors faire bénéficier les enfants qui ne peuvent pas quitter le lit des différentes activités organisées.
Je signale cependant que nous n’arrivons pas encore à exploiter ce système comme on l’avait prévu dans le projet, regrette Mme Boukabous. Le fait qu’on ne soit pas nombreux ne nous permet pas encore de réaliser nous-même des émissions qu’on pourrait diffuser. Ce qu’on espère pouvoir faire à court ou à moyen terme.
A ce sujet d’ailleurs, l’association Amine a des contacts avec une autre association, Les Petits Amis du 7ème Art.
L’action de l’association Amine a dépassé le service de pédiatrie. Ainsi, il a été développé des activités et des espaces dans d’autres services, comme l’espace d’ergothérapie dans le service psychiatrique où a été aménagé une bibliothèque et un espace pour les travaux manuels. Au service d’imagerie médicale, et pour que les enfants ne soient pas dans la même salle d’attente que les adultes, il a été créé un espace où l’enfant, tout en attendant, peut jouer, dessiner, s’amuser, ceci dans le souci de dédramatiser cette attente dans un lieu où l’enfant ne se sent pas généralement à l’aise. Et c’est à peu près le même espace qui a été aménagé dans le service de médecine nucléaire où les enfants subissent des examens délicats et difficiles.
Sur un autre plan, nous avons participé à la création d’unités de loisirs dans d’autres hôpitaux comme à Blida, Koléa et Ghardaïa, dit avec fierté notre interlocutrice.
La confrontation à la mort d’enfants a rendu le travail très difficile. Le professeur Laraba, qui se rendait bien compte de cela, a engagé la réflexion sur le sujet, car même le personnel soignant, aussi aguerri soit-il, subit les contrecoups dans ces cas-là.
A cette période, nous avons connu Serge Baquet, un psychologue qui représentait Handicap International en Algérie, se souvient encore Mme Boukabous. Et encore une fois, le hasard a voulu que ce monsieur ait animé des groupes de parole pour des gens confrontés aux mêmes problèmes, et c’est comme cela qu’a été organisé ce groupe auquel assistaient aussi des membres du personnel soignant à la demande du professeur Laraba.
Et en plus, ce groupe de parole a aidé à rapprocher plus encore éducateurs et personnel soignant, d’autant plus que tout le monde souffre quand un enfant meurt.
Et pourquoi ne pas faire profiter les personnels d’autres hôpitaux de ces groupes de parole ? Comme rien ne semblait empêcher cette démarche, est né alors le projet de rassembler des fonds, toujours par le biais de l’association, pour faire venir des animateurs étrangers, et notamment du groupe Balint, un groupe allemand spécialisé dans cette activité.
Concernant le volet musical, Djamel, l’éducateur spécialisé, a songé à créer une chorale.
Au début, cette chorale était constituée uniquement d’enfants hospitalisés. Seulement, beaucoup d’enfants ne sont là que pour un temps, le temps de se soigner. Ce qui fait qu’il fallait tout refaire à chaque fois. Au bout de quatre années de ce fonctionnement, Djamel a pensé à choisir les enfants malades chroniques pour en faire l’ossature de la chorale tout en y intégrant d’autres enfants de passage. Parce qu’un enfant malade chronique, même s’il rentre chez lui, revient toujours pour se soigner, et ainsi la chorale peut durer dans le temps.
Ensuite, la chorale s’est agrandie quand le personnel soignant a commencé à la rejoindre. Et elle s’est agrandie encore plus quand des enfants de l’extérieur de l’hôpital sont venus s’y intégrer. L’aboutissement est une chorale constituée de chanteurs et de chanteuses dont l’âge va de 7 à 77 ans et qu’on a appelée «Les Voix d’Amine».
Après avoir commencé avec des chansonnettes, la chorale a aujourd’hui diversifié son répertoire et elle est même invitée à chanter dans des galas et autres manifestations artistiques. C’est l’une des plus grandes fiertés de l’association, d’autant plus qu’en plus de la chanson, elle est passée à la chorégraphie.
L’association Amine complète son action par l’organisation de sorties au bénéfice des enfants et des journées d’étude sur l’accompagnement des enfants malades.
Actuellement, le projet humanisation des hôpitaux est en cours. Des chambres ont d’ores et déjà été équipées de climatiseurs et de réfrigérateurs, en attendant d’autres commodités et d’autres services, que ce soit pour les enfants ou pour les parents
Peut-on gager que Amine, là où il est, doit être heureux de voir tout ce qui a été réalisé après son départ ? On est en droit de l’espérer.
|