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		   Le siège de la Fédération des associations des handicapés  moteurs (FAHM), à Ben Aknoun, Alger, ne paie pas de mine. Coincé dans une  impasse de la cité des Asphodèles et caché aux regards par l’imposante bâtisse  du commissariat de police, la petite baraque n’a de grand que la volonté des  responsables de la Fédération et n’a de beau que la noblesse des buts qu’ils  poursuivent. 
		    A notre arrivée au siège, Mme Mammeri, présidente de la  Fédération, reçoit deux dames, parentes d’un handicapé, venues réclamer de  l’aide. Des bribes de discussion qui nous parviennent, on retient la patience  et la douceur d’une dame qu’on n’avait jamais rencontrée auparavant, le  rendez-vous ayant été pris par téléphone. 
		    Les deux dames parties, Mme Mammeri nous reçoit et entre  tout de suite dans le vif du sujet. 
		    La FAHM a été créée en 1992 et agréée une année plus tard.  L’objectif premier de ses fondateurs est de coordonner les actions des  associations locales des handicapés moteurs et les aider à s’organiser pour  devenir une véritable force de propositions. Elle est dotée du statut  consultatif auprès de l’Organisation des Nations Unies (ONU). 
		    Même si elle rassemble aujourd’hui 65 associations de personnes  handicapées, ce qui représente un fichier de près de 65 000 personnes au  niveau national dont 10 000 pour la région d’Alger, Mme Mammeri nous précise  que la Fédération travaille d’une manière effective avec seulement une  vingtaine d’associations. Le pourquoi de la chose est simple : La FAHM  n’est pas une association caritative, et cela peu d’associations l’ont compris. 
		    La FAHM ne veut pas limiter son action dans la distribution  de fauteuils roulants, de couches et autre matériel nécessaire aux personnes  vivant avec un handicap.  
  «Il faut que la vision charitable, complaisante et  compatissante se transforme en revendication des droits et non d’avantages et  de privilèges», nous dit Mme Mammeri. C’est pour cela que l’objectif recherché  avant tout autre chose est de faire en sorte que l’handicapé ne se sente plus  comme une victime, mais comme un citoyen à part entière qui doit avoir accès à  tous les services dont bénéficient tous les citoyens. Il s’agit donc plus de  défendre le droit à la citoyenneté que le droit à un fauteuil roulant, même si  les donations sont toujours souhaitées. 
		    Quand, en 2002, le Parlement algérien adopte enfin une loi  de promotion et de protection des personnes handicapées, marquant ainsi la  reconnaissance officielle des personnes handicapées comme groupe cible  spécifique, les responsables de la FAHM sont satisfaits, mais pas totalement.  Car ils auraient voulu que «la promotion» et la «protection» ne visent pas les  personnes handicapées mais leurs droits. «D’ailleurs que signifie promotion des  personnes handicapées. Souhaite-t-on qu’il y en ait plus ?», se demande le  vice-président de la Fédération. 
		  Action 
		  Actuellement, la FAHM a atteint la deuxième étape d’un  projet entamé il y a une année. 
		    A l’origine, une visite anodine de Mme Mammeri au domicile  d’un jeune homme handicapé moteur. Quand elle lui demande à quoi il occupe son  temps, le jeune homme répond : «Je passe mon temps à dormir pour  oublier que j’existe». Cela cause un sentiment de pitié, mais aussi, et surtout,  de révolte. 
		    Naît alors ce projet d’accompagnement à l’autonomie de  personnes handicapées. Il concerne 60 personnes et est limité à Alger. 
		    La FAHM, inexpérimentée dans ce genre de projet, dépose son  dossier auprès de la Commission européenne par le biais de Handicap International.  Dans un premier temps, il s’agit de recenser 60 personnes handicapées moteurs,  leur assurer le transport, ce qui crée des postes d’emploi pour jeunes  chômeurs, et les faire participer à des ateliers de coiffure, photo et autres.  Parallèlement, il est mis en place  des  groupes de paroles (ou espaces de paroles). Le but n’est pas d’apprendre un  métier aux personnes sélectionnées. L’objectif recherché est de mettre ces  personnes en situation, les pousser à découvrir en elles ce qu’elles sont  capables de faire. 
		    Dans une deuxième étape, stade actuel du projet, il s’agit  d’intégrer ces personnes dans des maisons de jeunes pour une véritable  formation. Le transport leur est toujours assuré, mais à la maison de jeunes,  ces jeunes filles et hommes n’ont aucun privilège par rapport aux autres  stagiaires. Leur handicap ne fait pas d’eux des personnes différentes. Ils  agissent et réagissent comme tout le monde. 
		    En conclusion de ce programme, la personne handicapée arrive  à élaborer un projet de vie. 
		    Dans l’avenir proche de la FAHM, un autre projet, soutenu  par la Délégation de l’Union européenne en Algérie et qui doit démarrer dés  janvier 2006. 
		    L’intitulé du projet est révélateur : «Renforcement des  capacités d’associations de personnes handicapées dans la promotion et la  défense des droits des personnes en situation de handicap».  
		    Pour ce projet-là, la FAHM a dépose elle-même le dossier car  se sentant assez mûre après la première expérience accompagnée par Handicap  International. 
		    Huit associations seront sélectionnées pour prendre part à  des ateliers sur des thèmes tels que la Déclaration universelle des droits de  l’homme, la législation en matière d’handicap, le montage de projets…etc. 
		    L’objectif est d’arriver, au bout de huit mois, à une charte  à laquelle pourront adhérer les autres associations. «Ce qui nous permettra de  mieux nous structurer», nous dit Mme Mammeri. 
		    Une autre action tient à cœur aux responsables de la FAHM.  Etant membre fondateur de la Fédération des associations d’IMC (infirmité  motrice d’origine cérébrale), la FAHM milite pour convaincre les autorités  publiques d’ouvrir des centres de jour pour cette catégorie de handicapés. Et  le souhait de la Fédération est que les parents des personnes concernées  s’impliquent dans cette bataille et qu’ils s’associent à cette revendication. 
		  La vie de tous les jours 
		  En parallèle à ces grands chantiers, il y a la vie de tous  les jours. Un bureau d’accueil fonctionne quotidiennement, reçoit les  doléances, oriente les handicapés et leurs familles, les conseille et leur  apprend les droits acquis et ceux qui restent à acquérir. 
		    Au siège même de la Fédération, il y a une auto-école pour  handicapés gérée par l’Union des handicapés moteurs de la wilaya d’Alger. Elle  reçoit et oriente des candidats, de tout le pays, au permis de conduire de  catégorie «F». Huit cents permis de conduire ont été obtenus à ce jour. Durant  l’année qui s’annonce, Relizane, Batna et Constantine auront leurs propres  auto-écoles. 
		    Et en plus d’un camp de vacances annuel pour handicapés  lourds de tout le pays, la FAHM intervient au niveau des hôpitaux de Tixraïne,  Azur Plage, Thénia et Mustapha (service urologie) par l’apport de dons en  matériel médical et de médicaments. 
		    D’autre part, et sur la base de son fichier, elle envoie  régulièrement à ses adhérents paraplégiques de l’intérieur du pays du matériel  médical pour incontinents grâce à des dons de particuliers. 
	      La FAHM ? Une lutte continue. Un discours. Des actions.  Objectif premier et final : Le droit de l’handicapé moteur à la dignité.  Son droit à une citoyenneté à part entière.  |